Covid-19 oblige, c’est par visioconférence que nous échangeons sur son rôle de Grand-Maître au CESEC. Après un bachelier de Sciences économiques et gestion et un master en Management à la faculté ESPO, Jean-François Corbisier passait cette année l’agrégation pour devenir professeur dans le secondaire et le supérieur. S’il a été baptisé au cercle en 2014, ce n’est qu’en 2019, qu’il rentre dans le comité du CESEC au pôle Conférences pour passer ensuite au pôle Event et devenir Grand-Maître en 2020.
En tant que Grand-Maître, il a pour rôle de décider qui peut passer sa calotte et de la remettre aux « impétrants » au terme d’une « corona », la cérémonie que le Grand-Maître anime durant laquelle le candidat à la calotte présente ses motivations. La calotte, c’est un chapeau sur lequel les calottins peuvent afficher à l’aide d’insignes les différentes étapes de leurs parcours personnel et universitaire, par exemple les étoiles représentent le nombre d’années d’études validées. Les lettres de l’université et du cercle y figurent et d’autres insignes plus personnelles peuvent être ajoutées par les étudiants. Une symbolique dédiée aux insignes existe même dans le « Bitu », le manuel de référence pour passer sa calotte. Aloïsa Pilloy, membre du comité du CESEC au pôle Cultures, nous parle de quelques insignes : certaines sont dédiées aux passions, par exemple l’ancre pour la passion de la navigation, certaines sont liées à la personnalité du calottin, par exemple le singe pour quelqu’un de farceur, la locomotive pour un humour lourd, d’autres en rapport aux événements, le masque pour ceux qui changent de personnalité en soirée. Aloïsa Pilloy conclut, « les insignes, c’est ta carte d’identité ».
« Il existe autant de calottes qu’il existe de calottés. Elles sont uniques à tout un chacun. Elles te permettent de connaître la personne, son histoire, son parcours. »

L’origine présumée de la calotte remontrait aux zouaves pontificaux qui portaient un couvre-chef qui ressemblait à cette calotte. Ce corps armé volontaire de l’Eglise comprenait beaucoup d’étudiants catholiques qui revenaient de guerre en Belgique et faisaient leurs études à l’UCL à Leuven. Par fierté ils portaient ce couvre-chef au quotidien et cela est devenu le couvre-chef des étudiants catholiques de Belgique. Au-delà de cette origine présumée, la calotte a été créée en 1895 et est associée à quatre valeurs : respect, amitié, tradition et ouverture vers l’extérieur et les autres. Ces valeurs doivent être représentées et respectées par les calottins. Pauline Huillard, calottée au CESEC en 2019, exprime ce que ces valeurs signifient pour elle et la différence vécue une fois qu’elle est devenue calottée : « Dans l’idée de la calotte, il n’y a pas de statut différent [entre les étudiants calottés et les autres]. En pratique, c’est quand-même un peu valorisé, on sait que vu que les gens calottés partagent des valeurs respectables et des valeurs cool, ils respectent les gens, ils ont une guindaille qui se veut safe et bienveillante, solidaire. Une fois que j’ai eu ma calotte j’ai commencé à parler à plein de gens. Les gens venaient me voir d’office parce que j’ai une calotte. On ne me voyait pas quand je n’avais pas de calotte. » Selon Jean-François Corbisier, un bon Grand-Maître se doit de transmettre les quatre valeurs pour que ce signe distinctif qu’est la calotte n’établisse pas de hiérarchie entre les étudiants.
« Ce qui s’y passe n’est connu que par les calottins. »
Jean-François Corbisier, Grand-Maître du CESEC, explique plus en détails les différentes étapes à passer pour obtenir sa calotte, symbole de l’investissement d’un étudiant dans son cercle. Le premier élément déterminant est donc l’investissement dans le cercle où l’étudiant souhaite passer sa calotte : « il faut déjà être investi dans le cercle parce qu’au terme de ta corona tu vas porter une calotte lettrée CESEC donc représenter les couleurs et les lettres. Donc pour ce faire on décerne la calotte à des personnes qu’on juge aptes et qu’on a envie de voir porter nos lettres, donc il faut déjà faire preuve d’investissement. » Pauline Huillard, étudiante de la faculté ESPO, qui a été au pôle Event du CESEC aux côtés de Jean-François Corbisier l’année dernière confirme : « Tu dois montrer que tu t’es investi, même si tu n’es pas dans le comité. […] Et en général, les gens qui ne s’investissent pas assez, on leur dit ‘bah écoute, j’ai vu que tu étais intéressé pour la calotte mais il va falloir qu’on te voie plus, que tu sois plus investi pour le cercle.’ Parce que la calotte, tu portes les lettre de l’unif [l’université], mais tu portes aussi les lettres du cercle et tu dois montrer que tu vaux quelque chose pour le cercle, que tu fais quelque chose pour le cercle, […] et que du coup tu peux partager plus de choses encore avec nous. » Si l’impétrant est assez investi, il peut alors déposer sa lettre de motivation, suivie d’une interview avec les membres du comité de corona lors de laquelle sont testées les connaissances du candidat à la calotte sur le cercle, l’histoire de la calotte, de Louvain-la-Neuve et de la faculté ESPO, ainsi que le folklore étudiant (guindaille, chants). Si l’interview est réussie, l’impétrant est enfin invité à passer sa corona, cérémonie au cours de laquelle il doit présenter une guindaille, à savoir un texte ou un chant par lequel il doit susciter de l’émotion à l’audience. Au terme de la corona est remise la calotte et l’impétrant devient officiellement un calottin.
« Quand t’es calotté dans un cercle après tu vas représenter les valeurs de la calotte et tout ce qui s’accompagne avec. Et tu vas aussi représenter le cercle et l’université. On est tous calottins mais ils ont aussi une approche différente selon les universités. »
En tant que Grand-Maître, il se doit d’accueillir tout le monde lors des « corona », il faut être le plus ouvert possible pour passer un bon moment avec tout le monde dans une bonne ambiance. En tant que Grand-Maître il est également le garant du respect des traditions, des habitudes du cercle, et premier représentant des valeurs de la calotte. Pour lui, la calotte est le « témoin d’un parcours vécu ». Être calotté c’est avoir eu l’opportunité de vivre des expériences en plus que l’on peut inviter les autres étudiants à vivre pour transmettre et faire perdurer cette tradition. Jean-François Corbisier met en avant le fait que malgré le respect des traditions, la calotte reste un élément de folklore étudiant fait par les jeunes pour les jeunes et qu’elle évolue avec son temps. Le Grand-Maître choisit qui se fait calotter, donne le niveau d’exigence sur la remise de lettre de motivation et rythme l’ambiance de la corona. À la fin de la corona, c’est l’assemblée qui vote finalement pour la remise ou non de la calotte aux impétrants. Il faut avoir assisté à 5 corona pour pouvoir voter. L’assemblée peut s’exprimer contre la remise de la calotte si les impétrants ne respectent pas les valeurs prônées par celle-ci. Une corona peut durer entre 3 et 8 heures selon le nombre d’impétrants, jusqu’au bout de la nuit.
Si certains secrets ont dus être préservés, Jean-François Corbisier nous a introduit à une partie centrale de la vie estudiantine de Louvain-la-Neuve : celle des cercles étudiants dont les soirées et activités régissent la guindaille néo-louvaniste. À travers son rôle de Grand-Maître du CESEC, il représente ainsi les quatre valeurs de la calotte au cœur du folklore belge qui permettent à chaque étudiant de l’UCLouvain d’être accueilli avec bienveillance dans les cercles.
Petit lexique de folklore belge à l’attention du lecteur avisé :
- Guindaille, nf. : désigne la fête et le folklore étudiants en général, « sortie joyeuse et bien arrosée (surtout pour des étudiants) » (Dictionnaire des belgicismes)
- Calotte, nf. : couvre-chef sans bord ni visière porté par les étudiants catholiques de Belgique, elle peut être délivrée par les cercles, régionales et ordres habilités par l’Ordre souverain de la Calotte.
- Impétrant, nm. : étudiant candidat pour passer sa calotte
- Calottin ou calotté : personne ayant passé et reçu sa calotte
Isabelle Vallet